Etre le maître des horloges, c’était la prétention d’Emmanuel Macron. Les gilets jaunes l’ont ramené à la réalité. Le calendrier gouvernemental est déréglé. Pas de chance pour la loi d’orientation des mobilités, LOM promise, attendue, tard venue. Elle a pour premier objet, comme l’a rappelé Elisabeth Borne en présentant le projet de loi, de combler les lacunes concernant 80 % du territoire et 30 % des Français. On dirait bien que ce sont ceux qui viennent de se faire entendre. La loi voulait apporter de bonnes réponses à une question qu’on savait menaçante. Elle a été devancée par une jacquerie qu’on ne peut réduire à la mobilité mais dont les signes de reconnaissance et les premiers lieux d’intervention, les gilets et les péages, montrent à quel point la question est cruciale.
Décalée, la réponse vaut tout de même la peine d’être entendue. Il s’agit pour commencer de donner aux collectivités territoriales le moyen d’organiser les déplacements dans les territoires qu’on dit orphelins ou délaissés. D’ici le 1er janvier 2021, les communautés de communes deviendront autorités organisatrices de la mobilité (AOM) dans l’ensemble du pays ; à défaut, les régions, dont le rôle de chef de file est conforté, seront invitées à exercer cette compétence.
Qu’y feront ces autorités ? Dans ces territoires, la massification n’a pas de sens, et l’on n’a quasiment pas d’autre solution que de se déplacer en automobile. Ce sera le cas demain comme aujourd’hui… Le permis de conduire, toujours plus nécessaire, sera donc plus rapide et moins cher. Surtout, grâce aux technologies nouvelles, on pense tenir la solution miracle, qui fera le moins de mal à la fois au portefeuille et au climat. Va donc pour l’auto, mais pas pour l’auto solo. L’essor du covoiturage, de l’autopartage ou du transport à la demande semble parfaitement adapté. L’Etat se veut régulateur, à l’écoute des initiatives prises dans les territoires, et levant les obstacles à leur développement massif. Et l’UTP se félicite que le financement des plates-formes grâce aux nouvelles AOM soit ainsi sécurisé.
Elisabeth Borne insiste sur le travail de concertation lancé par les Assises des mobilités conduisant au projet de LOM et devant se poursuivre tout au long de l’adoption de la loi. C’est indéniable, et les élus ou les associations ont eu plutôt des réactions positives. Dans le genre : bonne direction mais peut mieux faire. C’est en substance ce que dit Thierry Mallet, président de l’UTP : la LOM donne un cadre juridique et des financements mais l’essentiel du travail est devant nous pour trouver des solutions pérennes.
La ministre y insiste aussi : les réponses apportées par la LOM aux questions de mobilité sont structurelles. Non conjoncturelles. Certes. Mais ce sont bel et bien des aléas plutôt conjoncturels qui font reculer l’Etat depuis des mois dans l’instauration d’une taxe poids lourd. Et c’est la conjoncture qui lui a fait retirer les péages urbains du projet de loi. On n’exagérera pas l’importance de ce recul : ces péages étaient déjà possibles avant la loi qui devait les faciliter, ils le restent mais n’ont peut-être pas grand avenir, les collectivités locales ne franchissant pas le pas. Le projet de loi préfère aborder la question énergétique et climatique par la généralisation des zones à faibles émissions (ZFE). On notera aussi, toujours au chapitre de l’environnement, l’objectif d’un triplement de la part du vélo dans les déplacements d’ici 2024, d’autant plus justifié que la moitié des déplacements des Français sont inférieurs à 5 km.
A côté de ces réponses, assez nouvelles même si elles ne sont pas inattendues, l’Etat répond aussi aux besoins de mobilité de façon plus classique par des investissements au montant considérable.
La programmation pluriannuelle prévoit d’investir 13,4 milliards d’euros sur la période 2018-2022. Et 14,3 milliards de 2023 à 2028. C’est dit la ministre, parlant des cinq prochaines années, 40 % de plus que dans les cinq années précédentes. Mais la mise en œuvre de la programmation repose sur des crédits en hausse de 300 millions d’euros dégagés par un « redéploiement » et « sur la mobilisation d’une ressource nouvelle de 500 millions par an à compter de l’année 2020 ». Autant dire que l’incertitude est grande. En fait, on est encore loin d’une vraie loi de programmation.
En définitive, comme le martèle Elisabeth Borne, la LOM est une « boîte à outils ». Un ensemble important, qui propose des débuts de réponse à des questions graves. Est-il à la hauteur ? Le covoiturage, qui n’a pas encore trouvé son équilibre économique, peut-il apporter une réponse massive aux questions de mobilité ? Peut-on confier à l’automobile le soin de brider l’automobile ? Surtout, peut-on courir sans cesse derrière les effets dévastateurs de la métropolisation ? Les questions de mobilité appellent des réponses qui dépassent la mobilité. Et qui prennent la mesure, si c’est encore possible, de la crise dans laquelle le monde est entré.
Source : LOM : de bons outils, mais quel chantier ! – Ville, Rail et Transports