Rendre les transports en commun gratuits, l’idée fait son chemin. À la fin de l’année 2021, 36 agglomérations s’y étaient converties en France. Ses partisans défendent ses bienfaits en termes d’égalité et de report modal, tandis que ses détracteurs en dénoncent le coût et des résultats jugés incertains. Mais que nous révèle le terrain ? Quels sont les problèmes qui émergent, et quelles sont les solutions ? Arnaud Passalacqua, membre de l’Observatoire de la gratuité, et Philippe Duron, président de TDIE, débattent ici sur la validité de la gratuité des transports comme réponse aux défis contemporains de la mobilité.
Marie-Laure Mourre est spécialiste des sciences comportementales. Elle est maître de conférence à l’IAE Gustave Eiffel de l’Université Paris Est Créteil depuis 2016.
Il n’y a pas une journée qui se passe sans que nous n’entendions parler du dérèglement climatique et de ses impacts dramatiques sur la planète. On sait par exemple que les transports publics sont une alternative moins polluante que la voiture individuelle. Pourtant, en ville 40 % des trajets de moins de 3km se font en voiture individuelle. Pourquoi c’est si dur d’adopter un comportement plus vertueux ?
La fréquentation des transports publics évolue favorablement. « Les niveaux de fréquentation sont bien remontés : à plus de 95 %, on a presque retrouvé les niveaux d’avant-Covid« , a indiqué, lors de la présentation de la semaine de la mobilité à partir du 16 septembre, Marie-Ange Debon, la présidente de l’UTP, également présidente du directoire de Keolis. « C’est plutôt encourageant, même si le télétravail, qui est maintenu souvent à temps partiel dans de nombreuses entreprises franciliennes, freine le retour au taux de fréquentation de 2019 ». Au printemps dernier, la fréquentation était de seulement 80 % du niveau d’avant la crise en Ile-de-France, et avoisinait 85 % ailleurs.
In October 2021, NACTO convened its network of transit professionals from 89 cities across the U.S. and Canada to articulate a list of near-term, high-impact actions that cities and transit agencies can take to significantly reduce transportation-related carbon emissions within the next five-to-ten years.
Move! That! Bus!provides decision-makers—elected officials, transit board members, department and agency executives—a clear action plan for improving bus service and reducing transportation-related emissions in the short time we have left to avert lasting catastrophic climate change.
Un seul ticket pour prendre n’importe quel transport en commun : tel est le dispositif imaginé par le gouvernement autrichien. Objectif : encourager sa population à faire usage des transports en commun pour une somme modeste.
Ce Klimaticket, ou “ticket climat” en français, coûte 3 euros par jour, soit 24 euros par semaine ou 1 095 euros par an, précise L’ADN. Il permet de monter à bord de tous les transports publics comme privés du pays, soit les métros, bus, trams, ou encore les trains. L’initiative a été imaginée par le gouvernement pour encourager sa population à utiliser les transports en commun, et réduire ainsi les émissions carbone dues à l’usage de la voiture et autres modes de transports individuels polluants. Coût de l’investissement : 240 millions d’euros, auxquels devront s’ajouter 150 millions d’euros par année d’existence.
Pour pouvoir se passer véritablement de la voiture individuelle et répondre à l’urgence écologique, il faut sortir de l’impuissance politique de manière efficace et ordonnée. Pierre Helwig propose une réinvention radicale des mobilités en France en utilisant les infrastructures existantes pour développer les modes collectifs et actifs et en relançant activement l’aménagement du territoire pour réduire et rationaliser les déplacements. Il livre ainsi une feuille de route ambitieuse, crédible – et chiffrée ! – pour atteindre les objectifs français de décarbonation.
La gratuité des transports publics est une proposition politique récurrente. Elle est généralement présentée comme susceptible d’atteindre des objectifs à la fois écologiques et sociaux.
Les effets attendus d’une telle mesure pour Paris ont été étudiés en profondeur par le Laboratoire interdisciplinaire des politiques publiques (LIEPP) de Sciences Po en 2018. Les résultats ont fait l’objet d’une publication scientifique dans un numéro de la Revue d’Économie Politique programmé pour 2022.
Avant de s’intéresser aux caractères écologiques et sociaux de la mesure, il est utile de rappeler qu’il n’est en réalité jamais gratuit de rendre les transports en commun « gratuits ». Il s’agit en fait d’en faire reposer le financement sur la collectivité plutôt que sur ses utilisateurs.
Bien que le terme date des années 1970, l’action publique contre « les violences envers les femmes » dans l’espace public n’est que très récente : elles y étaient réputées rarement victimes, et l’insécurité qu’elles y ressentaient était jusqu’alors perçue comme inscrite dans leur sexe. Au-delà de cette « évidence », l’enquête publiée en 2020 permet de saisir le plus fort sentiment d’insécurité des femmes comme le résultat du caractère systémique des atteintes sexuelles qu’elles redoutent ou/et subissent dans les espaces de mobilité, ce qui ne va pas sans entraver leur liberté de mouvement.
Comment se déplacera-t-on demain en ville ? Pour répondre à cette question, Citroën a laissé libre cours à son imagination et a présenté le 29 septembre Urban Collëctif, son concept de transport urbain.
La question de la qualité de service est de première importance pour le public, notamment depuis l’explosion des services de mobilité liés au numérique, traduisant des attentes fortes pour une mobilité fluide, choisie, confortable et sûre. Alors que l’autorité organisatrice Île-de-France mobilités entame un nouveau cycle de renouvellement des contrats pluriannuels avec les exploitants, comment la qualité est-elle abordée dans les autres grands réseaux européens ?
Dès le 5 septembre, les habitants de la métropole de Montpellier pourront voyager gratuitement tous les week-ends à bord des bus et tramways du réseau TaM, a annoncé le 26 août, Michaël Delafosse, maire de Montpellier et président de Montpellier Méditerranée Métropole. Cette mesure est la première phase de la mise en place de la gratuité des transports en commun pour les habitants de la Métropole. À cette occasion, Montpellier Méditerranée Métropole crée le Pass week-end gratuit, utilisable de manière simplifiée avec l’application mobile M’Ticket TaM.
Vous êtes en vacances dans une métropole, et vous vous trouvez devant un plan de métro. Votre problème est le suivant : quel est l’itinéraire le plus court pour aller de la station de métro où vous vous trouvez, à celle où vous souhaitez aller ? Sans le savoir, vous vous trouvez face à un problème qui peut être facilement résolu par un algorithme : étant donné un plan de métro et deux stations A et B, trouver le chemin le plus court (en nombre de stations) qui va de A vers B.
Urbanloop est un projet développé depuis trois ans par quatre écoles
d’ingénieurs de Nancy avec l’Université de Lorraine. Imaginez des
capsules transparentes, individuelles ou en duo pour aller partout dans
la ville. Un projet qui s’inscrit dans le cadre des enjeux liés au
développement durable.
Comment imaginez-vous circuler en ville dans le futur ? Pourquoi
pas des capsules électriques qui filent sur les rails à une vitesse de
60 km/h. Elles peuvent vous emmener en solo ou en duo d’un point à un
autre sans jamais avoir à attendre. Un déplacement qui serait en plus
respectueux pour l’environnement. Il s’inscrirait totalement dans la
perspective des enjeux actuels du développement durable. Autre avantage,
en cette période de crise sanitaire liée à la présence du coronavirus,
ces capsules individuelles pourraient permettre d’être moins exposé au
virus tout en prenant un transport public.
Cette idée folle a été impulsée par Jean-Philippe Mangeot, enseignant à l’ENSEM
(École nationale supérieure d’Électricité et de Mécanique), à Nancy en
2017. Avec ses étudiants, ils planchent alors sur les premières
ébauches. Trois autres écoles d’ingénieurs se joignent au projet l’année
suivante : Télécoms Nancy, Mines Nancy et l’ENSG
(École nationale supérieure de Géologie).
Trois ans plus tard, après avoir suscité un engouement dans le monde
universitaire, le projet Urbanloop intéresse aussi les pouvoirs publics.
Il a même été repéré par quelques villes dans le monde, désireuses de
trouver une solution de mobilité urbaine sans voiture. Le printemps 2020
marque une nouvelle phase dans ce projet. La création d’une SAS
(Société par actions simplifiée) pour porter ce projet vers la phase
industrielle. Mais aussi l’achat de locaux dédiés au projet. Autant de
signes qui confirment que désormais Urbanloop entre sur le terrain des mobilités du futur.
Depuis quelques semaines, une capsule tourne sur le site du
Technopôle de Brabois. C’est le premier prototype à taille réelle. Il
roule de façon autonome sur une boucle de 300 mètres. Il permet de
prendre à son bord deux personnes. La consommation énergétique est
inférieure à 1 centime d’euro par km parcouru. (6 kWh/100 km). Une
capsule qui permet aussi de vérifier les calculs des ingénieurs et de
valider les points liés à la mécanique et à la sécurité.
On a instrumenté notre petite capsule avec des compteurs et des
petits processeurs… On arrive à avoir une précision de 200 millisecondes
Jean-Philippe Mangeot, Directeur de projet
Un nouveau prototype est en cours de fabrication pour poursuivre les
essais techniques. On pourrait le voir à l’œuvre après la rentrée de
septembre. L’équipe travaille aussi à la réalisation d’un circuit d’1
km. Cette fois, trois boucles et cinq stations seront mises en place
pour consolider les résultats jusque-là théoriques du fonctionnement en
temps réel du système avec plusieurs capsules en fonctionnement.
Urbanloop des capsules individuelles ou en duo sans attendre
Des capsules individuelles ou en duo sur rail 100 % électrique, sans
batterie à très faible consommation. Leur propulsion est assurée par un
moteur électrique alimenté par le rail, en très basse tension. La flotte
est composée de véhicules identiques avec des châssis et des
carrosseries communes, mais avec deux types d’aménagement intérieurs
possibles : deux sièges face à face ou un seul siège pour laisser la
place à une personne en fauteuil roulant et un accompagnateur ou un
voyageur et son vélo ou encore une personne et une poussette…
Des capsules peu visibles dans la ville. Elles pourront être
semi-enterrées en zone urbaine avec une transparence sur le dessus pour
être sous la chaussée par exemple ou sous une piste cyclable et
au-dessus du sol dans des zones plus vertes comme le long d’un canal par
exemple.
Pas de chantier pharaonique, dans leur dossier de présentation, les concepteurs d’Urbanloop précisent :
Les travaux et aménagements à réaliser sont plus proches de celles
d’un aménagement de piste cyclable que celles de la construction d’une
voie de tramway
Dossier de présentation Urbanloop
L’intelligence artificielle au service de l’environnement
Des capsules seraient disponibles à tout moment partout sur le circuit,
dans des stations et circuleraient de manière fluide sur le réseau. Pour
arriver à un tel degrés de précision, il faut une technologie innovante
comme peut l’être l’intelligence artificielle. Elle permet de gérer et
de synchroniser avec une précision imbattable le flux des capsules. “Les
aspects liés au contrôle-commande et à l’automatisation sont eux
radicalement innovants. Les sujets tels que l’automatisation, la
décision et la reconnaissance de l’environnement, les capteurs, la
connectivité, la supervision, la gestion dynamique des flottes, les
interfaces hommes-systèmes et l’entretien des équipements spécifiques
sont presque tous en rupture avec les systèmes existants.”
Urbanloop, une aventure pour les étudiants ingénieurs de Nancy et pour l’Université de Lorraine
En 2018, les premiers étudiants imaginent sur le papier les capsules.
Nous avions eu l’occasion de les rencontrer lors de ce reportage en 2018
En 2019, le projet prenait de l’ampleur avec désormais quatre écoles d’ingénieurs de Nancy associées soutenues par l’Université de Lorraine.
Urbanloop intéresse plusieurs acteurs. Il pourrait un jour prochain être
un transport public individuel urbain dans plusieurs villes de taille
moyenne. 2021 devrait être une phase importante pour développer le
concept. Les concepteurs visent une première boucle transportant du
public en 2024.
Portés par la hausse continue du trafic aérien, l’absence de liaisons ferrées fiables et l’arrivée d’Uber il y a dix ans, les VTC et les taxis contrôlent désormais un tiers de la desserte des aéroports franciliens. Les mises en service, d’ici cinq ans, du CDG-Express et du prolongement de la ligne 14 jusqu’à Orly ne devraient pas remettre en cause cette forte présence.
Dans une interview récente accordée au Parisien, Valérie Pécresse déclare vouloir « accélérer le processus de mise en concurrence des transports en Île-de-France ». Les lignes de bus seront bientôt ouvertes à la concurrence à partir du 1erjanvier 2025. Mais la Présidente de région souhaite accélérer et généraliser la démarche pour l’ensemble du réseau.
Selon elle, la mise en concurrence devrait faire « baisser les coûts » et « augmenter la qualité de service ». Elle ajoute : « L’ouverture à la concurrence n’est pas la privatisation. Les lignes pourraient toujours être exploitées par la SNCF ou la RATP, mais elles seraient forcées d’améliorer leur offre pour être compétitives face à d’autres opérateurs, publics ou privés ».
Pourtant, au regard de l’expérience de nos voisins européens, la fin d’un monopole public du rail n’est ni gage d’une amélioration de service, ni d’une baisse des coûts.
Les directives européennes
Comme l’explique Valérie Pécresse, l’ouverture au marché d’un secteur consiste à mettre fin à une situation de monopole en permettant à de nouveaux opérateurs d’intégrer ce marché. Ce n’est pas une privatisation. L’État reste détenteur des capitaux de l’entreprise.
Cette politique est fortement encouragée par l’Union européenne particulièrement sur le marché de l’énergie (électricité et gaz). Elle est souvent un préalable à la privatisation qui représente un transfert d’une partie, voire de la totalité du capital d’une entreprise du secteur public au secteur privé (Française des jeux, en novembre 2019).
En Europe, la privatisation du rail s’est traduite par une augmentation des prix et une perte de la moitié des effectifs, et ce même dans les pays à forte productivité. En outre, la transition du secteur public au privé induit une précarisation de statut des cheminots. Nous sommes donc bien loin d’une amélioration de service ou d’une baisse des coûts.
En Grande-Bretagne et ailleurs
En Grande-Bretagne, on a observé le développement du travail à temps partiel et donc des réductions importantes du salaire moyen. En Espagne, les négociations salariales ne sont plus régionales mais effectuées entreprise par entreprise et sont indicées sur le chiffre d’affaires. En Irlande, on a constaté une augmentation des heures supplémentaires non rémunérées.
Chez nos voisins anglais, malgré des augmentations de fréquentation, les prix du billet sont six fois supérieurs à la moyenne européenne pour un service de moindre qualité et ont bondi de 25 % (hors inflation) depuis 1995. Un usager britannique dépense en moyenne 14 % de son salaire mensuel dans les transports.
Les trains anglais demeurent les plus chers en Europe et cela malgré des subventions importantes de l’État anglais. Dans un sondage officiel, 60 % des Britanniques sont favorables à une renationalisation des transports d’autant plus que cette opération permettrait une économie de plus d’1,5 milliard de Livres qui permettrait de réduire les tarifs de 18 %. En outre, la qualité du service s’est détériorée engendrant des retards considérables, des trains bondés et des accidents qui ont marqué la conscience collective (accident de Hatfield en 2000 avec un bilan de 4 morts et 70 blessés).
Privatisation du rail : le cas britannique, l’exemple à ne pas suivre ? (France 24, avril 2018).
Le constat allemand
Le constat est plus spectaculaire en Allemagne. L’ouverture du rail à la concurrence remonte à 1994 et a engendré un coût social important avec des effectifs qui sont passés de 350000 à 220000. La privatisation du rail reste cependant légère avec seulement 10 % des 33000 km, passés sous gestion privée.
De 2005 à 2016, les tarifs moyens ont explosé de 40 % pour les trains régionaux (environ 2,2 fois plus vite que l’inflation sur la période) et de 31 % pour les trains longue distance (environ 1,7 fois plus vite que l’inflation). La qualité du service s’est également détériorée avec notamment un train sur quatre en retard et des accidents de plus en plus nombreux.
Plus loin, le modèle japonais est très marqué par son efficacité et l’absence de retard mais avec un revers de la médaille : la cherté du service. Ainsi, il faut débourser plus de 200 euros pour un trajet de deux heures. C’est l’équivalent d’un aller-retour Paris-Lyon.
Le coût de la privatisation
Lors d’une privatisation, l’acquéreur privé intègre dans ses charges le coût du capital qui représente la rémunération qu’il doit verser aux actionnaires et aux agents qui l’ont financé. Ce coût supplémentaire est répercuté sur le prix de vente final et fait croître ainsi le prix payé par le client.
Fatalement, la privatisation conduit à une augmentation du prix pour les usagers. Seule une situation extrêmement concurrentielle pourrait amener une entreprise privée à réduire fortement ses coûts, ce qui la dissuaderait au final à investir dans l’activité.
En définitive, on comprend bien que la concurrence pure et parfaite développée par la théorie néoclassique, modèle économique qui vise une situation d’équilibre déterminant les quantités et les prix des biens, ne peut s’appliquer ici. En réalité, « elle est plus rare encore qu’un train italien arrivant à l’heure ». En effet, le marché des services publics s’efforce d’augmenter le bien-être collectif tout en évitant les pertes. Son objectif n’est pas le profit maximum mais la satisfaction maximale de la société, quitte à engendrer un déficit ne répondant pas aux principes de la concurrence. En tout état de cause, « la libéralisation ne conduit pas à une baisse des prix, bien au contraire souvent ».