La (in)sécurité routière serait-elle genrée ? La route en voudrait-elle aux femmes ?

Ces derniers mois, Volvo a lancé une vaste campagne de communication nommée The E.V.A Initiative, equal vehicles for all1. Volvo propose de partager ses connaissances en matière de protection de tous les passagers de voiture et pas seulement les « hommes lambda ».
Le 24 avril dernier, Libération publiait un article « Comment sont tués les cyclistes à Paris. Les accidents mortels dans la capitale sont très genrés : toutes les femmes cyclistes tuées l’ont été par des poids lourds »2. Alors, la route en voudrait-elle tout particulièrement aux femmes? Si oui, pourquoi et quelles sont les solutions envisageables pour remédier à cette situation inégalitaire ?

De la Suède à Paris, le constat serait le même : les femmes seraient en danger sur la route

Selon Volvo, les crashs-tests sont effectués principalement sur base de mannequins masculins. Les conséquences sont les suivantes : plus de risques physiologiques pour les femmes : le coup du lapin est plus fréquent, l’anatomie et la force corporelle des femmes étant différentes de celles
des hommes. A Paris, entre 2005 et 2017, 42 cyclistes sont morts, dont 24 après une collision avec un poids lourd. Parmi cette dernière catégorie de victimes, 16 étaient des femmes. Ce phénomène est similaire à celui observé à Londres. L’explication : les femmes, plus respectueuses du code de la route, ont davantage tendance à attendre à côté du camion quand le feu est rouge. Les hommes, quant à eux, mieux formés visiblement à anticiper les dangers, hésitent moins à enfreindre les règles pour se placer devant le camion et de fait, se rendent mieux visibles du chauffeur.
Pourtant, les chiffres nous montrent que la réalité globale diffère de cette représentation des femmes comme principales victimes de la route. Au contraire, ce sont les hommes qui sont majoritaires parmi celles-ci. En Belgique, en 2017, 75 % des tués sur place (458 personnes sur 615 victimes) et 66 % des blessés graves (2442 personnes parmi 3757 victimes) étaient des hommes. La tendance est identique, quoique moins marquée, dans la Région de Bruxelles-Capitale puisque 54 % des tués (13 personnes sur 24) et 65 % des blessés graves (127 victimes sur 194) étaient des hommes.
Les femmes sont, en outre, impliquées dans moins d’accidents que les hommes et moins souvent dans des accidents graves. Vias Institute précise, lors d’une analyse en 2018, que les comportements à risques diffèrent dans leur ampleur entre les hommes et les femmes, ce qui peut expliquer la différence d’implication dans des accidents. Les comportements à risques en matière de conduite sous influence de l’alcool sont bien plus le fait des hommes : « La probabilité qu’un homme conduise en ayant dépassé la limite légale en matière d’alcoolémie est 4 fois plus élevée que pour les femmes ».
Cette propension des hommes à conduire davantage sous l’influence de l’alcool se traduit aussi dans les statistiques d’accidents: « seuls 5% des femmes conductrices soumises au test d’haleine après un accident corporel étaient effectivement sous influence d’alcool. Le pourcentage monte à 11% chez les hommes ».
Même constat concernant la pratique d’excès de vitesse : « En matière de vitesse aussi, les hommes font preuve d’une plus grande « tolérance » vis-à-vis d’eux-mêmes que les femmes, notamment en ce qui concerne le respect des limitations. Ainsi, une enquête menée par l’institut Vias montre que 73% des hommes affirment rouler à 140 km/h sur autoroute, contre 54% des femmes seulement. Idem pour la limitation en agglomération : 64% des hommes disent la dépasser de plus de 20 km/h contre 50% des femmes »3.

Quelles pistes d’actions peuvent émerger suite à l’analyse genrée de la sécurité routière ?

Il est intéressant de constater que les femmes ne sont pas les plus grandes victimes de la route. Néanmoins, elles sont impliquées dans certains types d’accidents comme le montre la situation des cyclistes à Paris et à Londres. Une étude de l’European Transport Safety Council indiquait en 2013 que les hommes étaient principalement tués en Europe en tant que conducteurs de voiture et de moto et les femmes en tant que piétonnes et passagères de voiture4.

Pour autant une approche genrée de la sensibilisation à la sécurité routière est-elle pertinente ?

L’éducation des femmes et des hommes est encore différente. Les femmes sont davantage formées au respect des règles, au partage et les hommes sont rapidement baignés dans une atmosphère plus compétitive, ou finalement on peut transgresser certaines règles, si cela permet d’être plus efficace. Ce portrait-robot, bien évidemment caricatural et par conséquent peu nuancé de nos traditions éducatives, met en évidence les risques et les avantages de ces principes éducatifs dans le contexte routier.

Il s’agira d’être prudent dans l’approche, car des études mentionnent que c’est le fait de penser devoir se conformer à des stéréotypes masculins (transgression des règles, prise de risques), qui serait le plus grand prédicteur de la prise de risque, et pas tant le fait d’être un homme ou une femme.

Un exemple de projet éducatif : l’adaptation du projet « brevet du piéton » à la question du genre

Pour l’édition 2018-2019 du Brevet du Piéton à Bruxelles, Bruxelles Mobilité a demandé à l’opérateur Good Planet d’analyser les modules proposés lors de cette formation sous l’angle du genre. En d’autres termes, le genre joue-t-il un rôle dans l’approche qu’un enfant de 6-7 ans a des situations de circulation auxquelles il peut être confronté ? La réponse est évidemment oui, tout simplement parce que les garçons et les filles sont éduqués de façon différente (plus de tolérance par rapport aux comportements à risques chez les garçons). Marie-Axelle Granié, chercheuse à l’IFSTTAR5 sur les questions du genre, interrogée dans le cadre du « Brevet du Piéton », recommande de former les petits garçons comme on forme les petites filles, c’est-à-dire de les sensibiliser à leur vulnérabilité dans le trafic. S’ils ont un accident, les conséquences peuvent être graves. Un autre enseignement apporté par Marie-Axelle Granié est de porter une attention tout particulièrement à « relativiser l’effet protecteur des règles ». Ce n’est pas parce qu’on traverse à un passage pour piétons qu’on doit se sentir automatiquement protégé(e). Un automobiliste peut ne pas avoir aperçu l’enfant ou ne pas respecter l’arrêt. Le conseil sera donc bien d’attendre qu’il n’y ait aucune voiture ou de vérifier qu’elles s’arrêtent.

Un exemple de campagne française « le manifeste des femmes pour une route plus sûre »6

L’idée de ce projet est de mobiliser les femmes pour sensibiliser les hommes aux risques routiers :
« 75 % des morts sur la route sont des hommes. (…) La vitesse ne leur fait pas peur. La fatigue non plus. Et ce ne sont pas quelques verres au milieu du repas qui les empêchent de prendre la voiture. Ils conduisent bien. D’ailleurs, ils n’ont jamais eu d’accident. Et c’est vrai. Jusqu’au jour où. Dans l’entourage d’un homme qui prend le volant, ou les clés de la moto, il y a souvent une femme ». Le concept est intéressant car il souhaite casser les stéréotypes de genre qui voudraient que les hommes soient conquérants et les femmes accommodantes, en les encourageant à communiquer avec leur conjoint, leur fils, leur père. Néanmoins, force est de constater que les commentaires sur le réseau social Youtube sont très négatifs à l’égard de la campagne. Plusieurs personnes se plaignent d’une stigmatisation condescendante.
Cette campagne axée sur une approche chiffrée, largement documentée est peut-être un peu trop directe (les hommes sont présentés comme des risques pour eux-mêmes et pour les autres). Le groupe cible (les hommes) peut se sentir stigmatisé et risque de rejeter le message de prévention. Une autre approche plus porteuse serait de choisir des modèles masculins, des ambassadeurs, qui ne correspondent pas aux clichés masculins concernant le risque, tout en étant socialement reconnus comme des « hommes typiques » par leurs pairs.

Conclusion

L’analyse de la question de la sécurité routière via l’angle « genre » apporte incontestablement des pistes d’amélioration de la prévention routière. On peut conclure, vu les statistiques, que, non, la route n’en veut pas particulièrement aux femmes mais que, oui, certains aspects de la prévention routière doivent tenir compte systématiquement des spécificités physiologiques féminines lors de développements technologiques. La sensibilisation et l’éducation sont évidemment essentielles pour améliorer la sécurité : dans ce cadre, il faut pouvoir montrer des modèles masculins qui agissent en faveur d’une sécurité routière active (pas de conduite sportives, pas de valorisation de la
vitesse …). Ceci est important pour les hommes et les femmes. Les études montrent, en effet, que les filles adolescentes pourraient avoir tendance, pour se valoriser socialement, à adopter des comportements « masculins ». L’enjeu est donc de casser les stéréotypes masculins liés à la prise de risques sur la route, qui peuvent s’exprimer chez les hommes comme chez les femmes7.

La Mobilité est-elle genrée ?

Corollaire à la question de la sécurité routière, se pose celle de la mobilité. La mobilité serait-elle genrée ? La réponse est oui. Le Rapport sur les Incidences Environnementales du Plan régional de Mobilité – GoodMove – nous apprend que les utilisateurs des transports publics sont majoritairement des femmes à Bruxelles ; l’écart le plus marqué se situant dans le métro, le tram et le bus. Il y a également près de deux fois plus de femmes qui vont au travail à pied que d’hommes.
En termes d’utilisation du vélo, l’Observatoire du Vélo en Région de Bruxelles-Capitale 2018 nous indique que 63% des cyclistes observés sont des hommes et 35% sont des femmes (le solde étant des enfants).
Outre ces inégalités dans les modes de transport, les différences se marquent également dans le type de trajet, avec, majoritairement chez les femmes, l’apparition du phénomène de « trip chaining » (ou chaînes de déplacements complexes)8 : leurs déplacements sont indirects, avec de nombreux arrêts et détours, vers les magasins, les écoles, les banques et les crèches avant d’aller au travail par exemple. »
Enfin et peut-être surtout, l’insécurité subjective (la peur de se faire agresser) se traduit par des stratégies d’évitement de certaines zones par les femmes.
Le Rapport sur les Incidences Environnementales recommande donc d’avoir une approche gender mainstreaming dans l’opérationnalisation des mesures du Plan régional de Mobilité. Une politique piétonne qui ne tiendrait pas compte par exemple des besoins de sécurité subjective en soirée des femmes pourrait « rater » cette cible : les femmes se limiteraient alors dans leurs déplacements ou préfèreraient recourir à la voiture.

Notes

  1. Plus d’informations sur le projet Volvo sur www.volvocars.com.
  2. Article paru sur le site de Libération. Article de Julien Guillot et Savinien de Rivet en date du 24 avril 2019. https://www.liberation.fr/france/2019/04/24/comment-sont-tues-les-cyclistes-a-paris_1722899?fbclid=IwAR3xGjFfXmHRCLsaCwdwkeA5hZh9gNVjVW0iam0ZRvQcu8n4K567o-26t7c.
  3. Communiqué de presse Vias « Femmes au volant, moins d’accidents, moins de PV , 6 mars 2018 https://www.vias.be/fr/newsroom/femmes-au-volant-moins-daccidents-moins-de-p-v/
  4. https://etsc.eu/risk-on-the-roads-a-male-problem-pin-flash-25/
  5. Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux. https://www.ifsttar.fr/accueil/
  6. http://www.securite-routiere.gouv.fr/medias/campagnes/
  7. Marie-Axelles Granié, « Genre et rapport au risque : de la compréhension au levier pour l’action », Questions vives (en ligne), vol.9/2013, mis en ligne le 15 octobre 2013, consulté le 28 mai 2019.
  8. Inge Van Der Stinghelen, dans Le Moniteur de la Mobilité et de la Sécurité Routière (n°44) ; Christophe Gibout (2004) parle de cette phénomène comme l’un des facteurs de « sur-mobilité »

Source : brulocalis.brussels

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