Jean-Pierre Farandou, le PDG du groupe du transport, dévoile les grands axes du nouveau plan stratégique dans un entretien aux « Echos ».
Accélérer pour ne pas disparaître. Solidement implanté en France (où il exploite les réseaux de transport urbains de la plupart des grandes villes hors Île-de-France), et conquérant à l’international (avec un appel d’offres de 6 milliards d’euros sur quinze ans remporté récemment au Pays de Galles ), le groupe de transport public Keolis n’a apparemment pas de souci à se faire pour sa pérennité. Et pourtant, la filiale du groupe SNCF est aux aguets, consciente que les bouleversements en cours sur son marché peuvent la pousser sur la touche en quelques années.
De nouveaux concurrents puissants et ambitieux
Les opérateurs de transport public doivent faire face à l’irruption de nouveaux concurrents, aussi puissants qu’ambitieux : les géants de la technologie comme Google veulent capter une partie de la valeur ajoutée en devenant un passage obligé dans la relation aux clients. D’autres veulent tout bonnement prendre leur place, tel Uber, qui ambitionne de proposer différents moyens de transport sur son application (plus seulement les VTC, donc) et même de vendre des tickets de métro.
Keolis a tenu compte de ces périls pour élaborer son nouveau plan stratégique, adopté ces dernières semaines. Avec plusieurs objectifs, sur le transport de masse tout d’abord (exploitation de métros, trains, tramways ou bus). « En tant que pure player, nous n’avons pas d’autres choix que d’être les meilleurs sur les fondamentaux du métier, comme la ponctualité ou la gestion des coûts, explique aux « Echos » Jean-Pierre Farandou, le PDG de Keolis. « Dans le même temps, ajoute-t-il, nous allons renforcer les services numériques aux voyageurs, avec notamment notre offre Plan Book Ticket, qui apporte sur smartphone l’information sur un trajet, la possibilité d’acheter un ticket, et même de le valider. » Par ailleurs, « avec la montée des menaces liées au terrorisme, nous allons porter une attention particulière aux questions de sécurité, tout en préservant un parcours client aussi fluide que possible », poursuit le dirigeant.
Expérimentations de navettes autonomes
Mais le groupe ne compte pas laisser à d’autres les nouvelles formes de mobilités. Il mène plusieurs expérimentations de navettes autonomes. Et à moyen terme, Keolis croit beaucoup à l’apparition de « robots-taxis » (ou taxis sans chauffeur), que plusieurs clients partageraient sur un même trajet. « C’est le schéma qui semble le plus susceptible d’avoir un modèle économique, et le seul qui puisse avoir un impact pour diminuer la circulation dans les centres-villes, avance Jean-Pierre Farandou. Nous ambitionnons donc de devenir opérateur de robots-taxis dans toutes les villes où nous sommes déjà présents, et de le proposer comme un mode de transport supplémentaire. »
Navya et Via, participations stratégiques
Pour cela, le groupe a pris des participations qualifiées de « stratégiques » dans deux jeunes pousses : Navya, le fabriquant lyonnais de navettes autonomes et de « robots-taxis » , et Via, qui a conçu un logiciel pour optimiser les trajets des véhicules partagés (logiciel déjà utilisé par LeCab, la plate-forme VTC du groupe).
En revanche, Keolis n’a pas investi, comme la RATP, dans le covoiturage ou les scooters en free-floating , malgré l’engouement actuel autour de ces deux sujets. « Nous n’avons pas vocation à tout faire, justifie Jean-Pierre Farandou. Nous pouvons tout à fait passer par des partenariats pour, par exemple, proposer des scooters électriques. »
Afin de résister à la puissance commerciale de Google ou d’Uber, Keolis mise sur une de ses forces : la capacité à dialoguer avec les autorités organisatrices (AO), les villes ou régions qui ont compétence sur transports. « La relation avec les AO est primordiale, c’est un des fondements de notre stratégie », confirme le patron du groupe.
Développer l’activité de conseil
Et pour cela, Keolis veut s’adresser à tous les pouvoirs locaux, et pas seulement aux villes déjà clientes, mais également à toutes celles qui fonctionnent en régie, en France comme à l’étranger. « Nous avons le savoir-faire pour les aider à organiser sur leurs territoires le développement des nouvelles formes de mobilité, ou à optimiser leurs réseaux », plaide Jean-Pierre Farandou. Le groupe compte donc prochainement développer son activité de conseil auprès des AO, qui pourrait être un des moteurs pour augmenter son taux de marge dans les prochaines années.