Depuis le 7 octobre, les publicités lumineuses sont interdites entre 1 h et 6 h. Cette réglementation vient d’être validée par le Conseil d’État qui a qualifié la lutte contre le gaspillage énergétique d’intérêt général.
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L’éclairage public, objet de convoitise des acteurs de la ville
Le Salon des Lighting Days, à Lyon du 13 au 15 février, met en lumière les enjeux de l’éclairage intelligent dans la « smart city ».
Il y a 9,5 millions de points lumineux d’éclairage public en France. C’est le maillage le plus perfectionné de l’Hexagone. Et à ce titre, le lampadaire est un objet de convoitise pour tous les acteurs de la ville. Il est déjà le support de nouveaux services, pas forcément liés à l’éclairage : caméras de vidéosurveillance, bornes wi-fi, prises de recharge USB, gonfleurs de vélo … Mais le candélabre est encore plus intéressant depuis qu’il est connecté et communicant, comme le prouve la création d’un espace « IoT & smart lighting » au Salon des Lighting Days à Lyon.
La nouvelle génération d’éclairages LED , qui remplacent progressivement les lampes au sodium, se pilote à distance, point par point, ou rue par rue. « On peut abaisser l’intensité à certaines heures de la nuit, ou dans certains quartiers, et rallumer au passage d’un piéton ou d’une voiture », explique Thierry Marsick, du groupe Métropole au sein de l’Association française de l’éclairage. Cet éclairage « intelligent » est source d’économies substantielles : « C’est le meilleur retour sur investissement (RoI) dans le domaine de la ‘smart city’ », affirme Schéhérazade Abboub, avocate au cabinet Parme Avocats, spécialisée en droit des données publiques et « smart city » .
Arsenal « smart city »
Au-delà des économies d’énergie, le lampadaire connecté et son réseau numérique se retrouvent au centre de toutes les aspirations de la « smart city », sans qu’on sache encore vraiment à quoi et comment il va servir. « Pour l’instant, les services ajoutés demeurent relativement conventionnels : des capteurs de présence, de pollution, de bruit… Car le réseau de communication entre les objets connectés de la ville est encore embryonnaire », estime Etienne Beneteau, PDGd’Actiled Lighting. La société nantaise, créée il y a cinq ans sur le socle d’une société d’électronique, est emblématique de l’évolution du secteur : « Aujourd’hui, l’électronique représente 50 % du coût d’un module d’éclairage LED », dit-il. Le chaudronnier et fabricant de mats TMC Innovation, nantais également, anticipe « l’intégration de la vidéoprotection, de la signalétique, de la communication, de la détection, de la recharge », explique son dirigeant Gregory Flipo.
Dans cette optique de mutualisation, la Métropole de Dijon est même à l’origine d’un nouveau modèle économique. Elle a profité du renouvellement de son marché public de l’éclairage pour compléter son arsenal « smart city ». Le plan ON Dijon fait levier sur ce gros contrat (signé pour douze ans) pour inclure la vidéosurveillance, le pilotage des feux tricolores ainsi que la géolocalisation des véhicules de service en intervention. Le poste de pilotage centralisé de toute la gestion de la voie publique sera inauguré dans quelques semaines. L’ensemble des investissements est couvert par les économies d’énergie (65 %) générées par le remplacement à terme de 34.000 lampes par des LED (800 actuellement). Un projet similaire à Angers intègre même des aspects liés à l’eau. Et Nantes teste l’influence de l’intensité lumineuse sur la vitesse des automobilistes, dans une rue bardée de capteurs.
Millefeuille de réseaux
Plus grand-chose à voir avec l’éclairage ? Mais toujours un même besoin de réseau de communication derrière toutes ces fonctions liées à la gestion de la ville. La Smart Lighting Alliance qui regroupe une quarantaine de membres, de la start-up Oledcomm – à la pointe sur le li-fi – à Enedis, milite auprès des territoires pour faire du réseau d’éclairage « le support convergent de toute cette circulation de données », explique son secrétaire général Rodolphe Michel. Pourquoi ajouter une nouvelle strate de communication – encore des antennes à poser ou des câbles à tirer – à chaque nouvel objet connecté ? « et payer de nouveaux abonnements ? » Il rêve d’« un intranet territorial », qui rejoint les préoccupations de Thierry Marsick sur « l’interopérabilité de tous les systèmes », au lieu de transformer la ville en millefeuille de réseaux concurrents les uns des autres.
Contrôle de l’espace public
Les nouveaux marchés publics tels que conçus à Dijon ou Angers conduisent à la formation de groupements d’opérateurs très larges, avec des énergéticiens, électroniciens, informaticiens, opérateurs de communication… Mais c’est bien l’éclairagiste, leader, qui fait l’OPA« sur le contrôle de l’espace public », constate Schéhérazade Abboub. Ils sont quatre gros en France : Engie, Citelum (filiale d’EDF), Bouygues énergies & services et Citeos (Vinci).
Attention, met en garde l’avocate : « Dans la compétition des différents IoT sur l’espace public, se joue la propriété des données. » Au-delà des infrastructures, sans doute complémentaires (réseau LoRa, 5G, wi-fi, li-fi, fibre et autres), « il est plus important, dans le contrat de concession d’un service public, de s’assurer de la propriété des données, ou d’un droit d’usage, que de la propriété de l’antenne ou du poteau », dit-elle. Pas question pour les collectivités de devoir racheter les data aux opérateurs : « C’est l’origine de la crise des Vélib’ parisiens : Decaux est parti avec les données, le nouveau concessionnaire Smovengo est reparti de zéro. »
Elles sont la matière première d’une gestion de la ville plus économique, plus efficace, et de nouveaux services aux habitants – encore à inventer. Un enjeu économique donc, mais aussi juridique pour les données à caractère personnel. Comme la vidéosurveillance… très à la mode en période préélectorale.
Source : L’éclairage public, objet de convoitise des acteurs de la ville